mardi 19 mai 2015

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh : La récitation du Shama´ III

בס״ד

Mishnéh Tôroh VS Shoulhon ´Oroukh


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La récitation du Shama´ III

Rabbi Yôséf Qa`rô זצ״ל écrit ceci :

`Ôrah Hayyim 64:1
Une récitation à l'envers ne rend pas quitte. Dans quel cas ces paroles s'appliquent-t-elles ? Dans le cas de l'ordre des versets. Mais si on a fait précéder une section par celle qui l'accompagne, bien que l'on ne devrait pas le faire, on est quitte parce qu'elles ne sont pas juxtaposées dans la Tôroh.
קראה למפרע לא יצא במה דברים אמורים בסדר הפסוקים אבל אם הקדים פרשה לחברתה אף על פי שאינו רשאי יצא לפי שאינה סמוכה לה בתורה

En d'autres mots, lorsqu'il est dit que celui qui récite le Shama´ à l'envers n'est pas quitte de son obligation, cela ne s'appliquerait qu'au fait de lire les versets d'un même paragraphe dans le désordre. Par contre, si quelqu'un a récité d'abord le deuxième paragraphe du Shama´ avant le premier, puis termine par le troisième, ou commence par le troisième suivi du deuxième et termine par le premier paragraphe, etc., il est quitte de son obligation de réciter le Shama´, bien qu'il ne conviendrait pas, Lakhattahilloh, d'agir ainsi. Et la raison à cela est que ces paragraphes ne se suivent pas dans la Tôroh (par exemple, le troisième paragraphe du Shama´ est tiré du Séfar Bamidhbor, un livre qui précède le Séfar Davorim, d'où sont tirés les deux premiers paragraphes du Shama´).

Ces propos de Rabbi Yôséf Qa`rô sont un copier-coller de ceux du Rambam זצ״ל, qui a écrit ceci :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:11
Celui qui récite [le Shama´] dans le désordre n'est pas quitte. Dans quel cas ces paroles s'appliquent-t-elles ? Dans le cas de l'ordre des versets. Mais s'il fait précéder une section à une autre, bien qu'il n'y soit pas autorisé, je dis qu'il est quitte, car elles ne sont pas juxtaposées dans la Tôroh.
הקורא למפרע, לא יצא. במה דברים אמורים, בסדר הפסוקים. אבל אם הקדים פרשה לפרשה--אף על פי שאינו רשאי--אני אומר שיצא, לפי שאינה סמוכה לה בתורה

Essayons donc de comprendre de quoi il s'agit.

Voici ce qui est tranché dans la Mishnoh de Barokhôth 2:3, concernant la récitation du Shama´ :

Celui qui récite à l'envers n'est pas quitte.
הקורא למפרע לא יצא

Le Rambam comprend cette décision de la Mishnoh comme se référant au fait de réciter, par exemple, le verset 2 d'un paragraphe avant le verset 1 du même paragraphe, mais pas au fait de réciter le paragraphe 2 du Shama´ avant le paragraphe 1. Il ajoute que bien qu'on ne serait pas autorisé à le faire, parce que l'ordre établit par HaZaL devrait être suivi, si quelqu'un a inversé l'ordre des paragraphes, אני אומר שיצא « je dis qu'il est quitte », une phrase qui indique toujours que le Rambam énonce sa propre opinion, bien qu'il n'ait aucune source tirée des enseignements des Sages pour la soutenir. Il se base en cela sur le seul fait que dans la Tôroh elle-même, ces passages ne se retrouvent pas mentionnés dans le l'ordre dans lequel nous les récitons généralement lorsque nous faisons le Shama´. (Voir ici pour un commentaire sur cette Mishnoh.) Néanmoins, les autres commentateurs du Talmoudh comprennent cette Mishnoh comme voulant dire que l'on doit obligatoirement réciter les trois paragraphes dans l'ordre qui a été institué par HaZaL. Et voici d'ailleurs ce que nous lisons dans la Mishnoh :

Barokhôth 2:21
Rébbi Yahôshoua´ ban Qorho`2 a dit : « Pourquoi [le paragraphe de] ''Shama´'' précède-t-il [celui de] ''Wahoyoh `Im Shomôa´'' ? C'est afin d'accepter sur soi d'abord le joug du Royaume des Cieux3, et après seulement on accepte sur soi le joug des commandements4 ; ''Wahoyoh `Im Shomôa´'' [précède] ''Wayyômar'', car ''Wahoyoh'' s'applique autant le jour que la nuit5, tandis que ''Wayyômar'' ne s'applique que de jour6 ».
אמר רבי יהושוע בן קורחה, למה קדמה "שמע" ל"והיה, אם שמוע"--אלא כדי שיקבל עליו עול מלכות שמיים תחילה, ואחר כך יקבל עליו עול מצוות; "והיה, אם שמוע" ל"ויאמר"--ש"והיה, אם שמוע" נוהג ביום ובלילה, ו"ויאמר" אינו נוהג אלא ביום

Réciter les paragraphes dans l'ordre n'est qu'un Lakhattahilloh. Mais Badi´avodh, si on les a récité dans le désordre son devoir est néanmoins accompli.

Rabbi Yôséf Qa`rô poursuit :

`Ôrah Hayyim 64:2
Celui qui lit une section et y commet une erreur, s'il sait trompé, comme par exemple s'il récitait tout mais qu'il a sauté un verset, il doit retourner à ce verset et terminer ensuite la section. Mais s'il ne sait pas où il s'est trompé, il doit retourner au début de la section.
קרא פרשה וטעה בה אם יודע היכן טעה כגון שקרא כולה אלא שדילג פסוק אחד באמצע חוזר לראש אותו הפסוק וגומר הפרשה ואם אינו יודע היכן טעה חוזר לראש הפרשה

Cette règle est également mentionnée par le Rambam :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:14
S'il se trompe au milieu d'une section, et ne sait pas où il s'est arrêté, il reprend depuis le début de la section.
טעה באמצע הפרק, ולא ידע היכן פסק--חוזר לראש הפרק

Ce qui sous-entend que s'il sait où il s'est trompé, il ne reprend pas depuis le début de la section, mais à partir du mot qu'il a sauté. Cette règle est basée sur ce qui a été tranché dans la Mishnoh suivante :

Barokhôth 2:3
Celui qui récite et se trompe reprend à l'endroit où il s'est trompé
קרא וטעה יחזור למקום שטעה

Rabbi Yôséf Qa`rô poursuit :

`Ôrah Hayyim 64:3
Si on se trompe entre une section et une autre, c'est-à-dire, on sait que l'on a terminé une section mais on ne sait pas si c'est la première ou la deuxième, on retourne à la [fin de la] première section et on commence ensuite « Wahoyoh `Im Shomôa´ ».
טעה בין פרשה לפרשה שהוא יודע שסיים פרשה ואינו יודע אם ראשונה אם שנייה חוזר לפרשה ראשונה ויתחיל והיה אם שמוע

Les deux premiers paragraphes du Shama´ (« Wa`ohavto » et « Wahoyoh `Im Shomôa´ ») se ressemblent fortement, puisqu'ils emploient pratiquement les mêmes mots et parlent des mêmes Miswôth (aimer HaShem de tout son cœur et de toute son âme, les Tafillin, l'obligation de transmettre la Tôroh à ses enfants, etc.). Puisque le Shama´ se récite en principe de mémoire, il peut arriver qu'on ne sache plus, à cause des ressemblances entre les deux paragraphes, lequel des deux est-ce qu'on a achevé. Dans ces cas-là, on reprendra à la fin du premier paragraphe, puis on poursuivra par la récitation du deuxième.

Cette règle est également mentionnée par le Rambam, mais différemment :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:13
Si un doute survient entre une section et l'autre, et qu'il ne sait plus quelle section il a terminée et laquelle il doit commencer, il reprend à la première partie, qui est : « Wa`ohavto `Éth `Adhônoy `Alôhakho ».
נעלם ממנו בין פרשה לפרשה, ואינו יודע איזו פרשה השלים ואיזו צריך להתחיל--חוזר לפרק ראשון, שהוא: ואהבת, את ה' אלוהיך

Alors que le Rambam tranche que si l'on ne sait plus si c'est le premier ou le deuxième paragraphe du Shama´ que l'on a terminé il faut recommencer depuis le début du premier paragraphe, Rabbi Yôséf Qa`rô tranche qu'il suffit simplement de reprendre à partir de la fin du premier paragraphe pour poursuivre ensuite avec le deuxième paragraphe. Quelle approche est correcte ?

La source de cette Halokhoh est le passage suivant de la Gamoro` :

Barokhôth 16a
Celui qui a récité à l'envers n'est pas quitte, etc.7 : Rébbi `Ammi8 et Rébbi `Assi9 décoraient la chambre nuptiale pour Rébbi `Él´ozor. Il leur dit : « Entre temps, j'irai écouter quelques paroles du Béth Midhrosh, et je reviendrai pour vous raconter ». Et il alla et trouva un Tanno` qui récitait [ceci] devant Rébbi Yôhonon : « Si quelqu'un a commis une erreur10 mais ne sait pas où, s'il se trouvait au milieu d'une partie, il doit reprendre du début. Si c'est entre une partie et une autre11, il reprend vers la première partie ».
הקורא למפרע לא יצא וכו': רבי אמי ורבי אסי הוו קא קטרין ליה גננא לר' אלעזר אמר להו אדהכי והכי איזיל ואשמע מלתא דבי מדרשא ואיתי ואימא לכו אזל אשכחיה לתנא דקתני קמיה דר' יוחנן קרא וטעה ואינו יודע להיכן טעה באמצע הפרק יחזור לראש בין פרק לפרק יחזור לפרק ראשון

On apprend ici que celui qui se trompe en plein milieu d'un paragraphe doit reprendre depuis le début du paragraphe où il s'est trompé. Par contre, s'il se trouve à un endroit où il est naturel de faire une pause (c'est-à-dire, entre le premier et le deuxième paragraphe), qu'il est confus et ne sait plus lequel des deux paragraphes il vient juste de réciter et quel paragraphe il doit commencer à réciter, il reprend vers la première partie. La Gamoro` emploie donc deux expressions différentes. Dans le premier cas, elle dit יחזור לראש « il reprend du début de la partie », tandis que dans le deuxième cas elle dit יחזור לפרק ראשון « il reprend vers la première partie ». Et c'est là qu'il existe des interprétations différentes de cette phrase.

Rashi זצ״ל explique que reprendre vers la première partie signifie vers la pause entre les deux premiers paragraphes, c'est-à-dire, juste avant de commencer le deuxième paragraphe du Shama´. Le Tour12 זצ״ל explique cette Halokhoh de la façon que Rashi, et la position de Rabbi Yôséf Qa`rô reflète cette approche. Mais le Rambam interprète cette Gamoro` comme obligeant l'individu à reprendre du début du premier paragraphe.

Rabbi Yôséf Qa`rô, dans son Béth Yôséf (qu'il a rédigé avant le Shoulhon ´Oroukh), explique que Rashi et le Rambam sont d'accord sur le fait que l'on doit reprendre à l'endroit de la première pause dans la récitation du Shama´, mais que la divergence provient du fait que Rashi estime que la première pause dans la récitation du Shama´ se situe entre les deux premiers paragraphes, tandis que le Rambam soutient que la première pause ne se situe pas entre les deux premiers paragraphes, mais après la récitation de « Boroukh Shém Kavôdh, etc. », qui marque selon lui la transition entre l'acceptation du joug du Royaume des Cieux et la récitation du Shama´ en lui-même. Par conséquent, reprendre de la première partie ou pause signifie reprendre à partir du début du premier paragraphe du Shama´ (« Wa`ohavto »).

Rabbi Yôséf Qa`rô poursuit :

`Ôrah Hayyim 64:4
Si on est bloqué à « Oukhthavtom » et que l'on ne sait plus si c'est le « Oukhthavtom » qui se trouve dans la première section ou le « Oukhthavtom » qui se trouve dans la deuxième section, on reprend à partir du « Oukhthavtom » qui se trouve dans la première [section], et c'est à la condition que l'on n'ait pas encore commencé [à dire la phrase] « Lama´an Yirbou Yamékham ». Mais si on a commencé [à dire la phrase] « Lama´an Yirbou Yamékham », il n'est pas nécessaire de reprendre puisque nous supposons que la récitation suivait son cours normal.
היה עומד בוכתבתם ואינו יודע אם בוכתבתם שבפרשה ראשונה אם בוכתבתם שבפרשה שנייה חוזר לוכתבתם שבראשונה והני מילי שלא התחיל למען ירבו ימיכם אבל אם התחיל למען ירבו ימיכם אין צריך לחזור דסירכיה נקט ואתא

Cette règle est également mentionnée par le Rambam :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:14
Si, alors qu'il récite « Oukhthavtom », il ignore s'il en est au « Oukhthavtom » qui se trouve dans « Shama´ »13 ou au « Oukhthavtom » qui se trouve dans « Wahoyoh `Im Shomôa´ »14, il reprend au « Oukhthavtom » qui se trouve dans « Shama´ ». Et si ce doute naît en lui après qu'il ait récité « Lama´an Yirbou », il ne recommence pas, car [on suppose qu']il a récité selon son habitude.
היה קורא "וכתבתם", ואינו יודע אם הוא ב"וכתבתם" שב"שמע" או ב"וכתבתם" שב"והיה, אם שמוע"--חוזר ל"וכתבתם" שב"שמע"; ואם נסתפק לו אחר שקרא "למען ירבו"--אינו חוזר, שעל הרגל לשונו הוא הולך

Cette Halokhoh provient de la suite du passage de la Gamoro` susmentionnée de Barokhôth 16a. De quoi s'agit-il ?

Comme nous l'avons déjà expliqué, les deux premiers paragraphes du Shama´ se ressemblent beaucoup et ont de nombreuses phrases en commun, ce qui fait qu'il peut arriver de ne plus savoir si l'on a récité le premier paragraphe ou le deuxième, ou encore de mélanger les mots du premier paragraphe avec ceux du deuxième, et vice-versa. Parmi les phrases communes entre les deux paragraphes, nous avons celle qui rapporte la Miswoh de la Mazouzoh. Dans le premier paragraphe, nous disons וכתבתם על־מזזות ביתך ובשעריך « Oukhthavtom ´Al-mazouzôth Béthakho Ouvish´orakho »15. C'est d'ailleurs la dernière phrase du premier paragraphe. Or, dans le deuxième paragraphe, nous disons également וכתבתם על־מזזות ביתך ובשעריך « Oukhthavtom ´Al-mazouzôth Béthakho Ouvish´orakho »16, c'est-à-dire, exactement la même phrase, mais qui est ensuite suivie par le verset qui commence par les mots למען ירבו ימיכם « Lama´an Yirbou Yamékham », qui constitue la dernière phrase du deuxième paragraphe. Dans le cas où l'on récite le Shama´ de mémoire, il peut arriver qu'en récitant וכתבתם על־מזזות ביתך ובשעריך « Oukhthavtom ´Al-mazouzôth Béthakho Ouvish´orakho », on ne sache plus si on se trouve dans le premier paragraphe ou le deuxième. Si on se trouve dans le premier, cela signifiera que le premier paragraphe s'arrête là et qu'il faudra ensuite réciter le deuxième. Mais si on se trouve dans le deuxième, cela signifiera qu'il y a encore un dernier verset à réciter avant de passer au troisième paragraphe. Par conséquent, ne pas savoir où l'on se trouve dans sa récitation peut être problématique. La Halokhoh tranche donc que dans ce genre de cas, on doit considérer que c'était le « Oukhthavtom » du premier paragraphe qui a été récité, et on poursuivra alors avec la récitation du deuxième paragraphe. Mais c'est à condition de ne pas avoir commencé la récitation du verset qui commence par « Lama´an Yirbou », car autrement, on considère que l'on a achevé le deuxième paragraphe, et il faudra alors poursuivre avec le troisième.

Rabbi Yôséf Qa´rô poursuit et dit :

`Ôrah Hayyim 67:1
Si quelqu'un a un doute quant à savoir s'il a récité le Shama´, il le récite à nouveau et bénit avant et après. Mais s'il sait qu'il l'a récité, mais qu'il a un doute quant à savoir s'il a béni avant et après, il ne bénit pas à nouveau.
ספק אם קרא קריאת שמע חוזר וקורא ומברך לפניה ולאחריה אבל אם יודע שקראה אלא שמסופק אם ברך לפניה ולאחריה אינו חוזר ומברך

C'est à nouveau un copier-coller sur le Rambam, qui a écrit ceci :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:13
Si quelqu'un a un doute quant à savoir s'il a récité le Shama´ ou s'il ne l'a pas récité, il doit le réciter à nouveau, et bénit avant et après. Mais s'il sait qu'il l'a récité mais doute s'il a béni avant et après, il ne bénit pas à nouveau.
ספק קרא קרית שמע, ספק לא קרא--חוזר וקורא, ומברך לפניה ולאחריה. אבל אם ידע שקרא, ונסתפק לו אם בירך לפניה ולאחריה או לא בירך--אינו חוזר ומברך

La Gamoro` de Barokhôth 21a rapporte une divergence d'opinion. D'un côté il est dit (ce qui équivaut à l'opinion des Sages) que la récitation du Shama´ est une obligation biblique, tandis que de l'autre côté Rov Yahoudhoh17 est d'avis que c'est une obligation rabbinique. Puisque les Sages de la Mishnoh sont d'avis que c'est une obligation biblique, ils appliquent la règle qui stipule qu'en cas de doute si une Miswoh biblique a été accomplie ou pas, on doit refaire la Miswoh pour être certain de l'avoir accomplie. Mais puisque Rov Yahoudhoh est d'avis que ce n'est qu'une obligation rabbinique, il applique la règle qui dit qu'en cas de doute si une Miswoh rabbinique a été accomplie ou pas, on ne doit pas refaire pas la Miswoh. Le Rif זצ״ל, le Rambam et le Rôsh זצ״ל suivent tous l'avis des Sages de la Mishnoh, et tranchent que le Shama´ est une obligation biblique.

Par contre, s'il est certain d'avoir récité le Shama´, mais qu'il a un doute quant à savoir s'il a aussi récité les bénédictions qui précèdent et suivent le Shama´, il ne doit pas refaire ces bénédictions, car elles sont d'origine rabbinique, et dans ce genre de cas on applique la règle qui stipule qu'en cas de doute si une Miswoh rabbinique a été accomplie ou pas, on ne refait pas la Miswoh. Quant à Rov Yahoudhoh, il est d'avis que la bénédiction « `Amath Wayassiv », qui suit le Shama´ du matin, est une obligation biblique, car dans sa version de l'ère de la Gamoro` elle fait mention de la sortie d'Égypte, réalisant ainsi la Miswoh de se souvenir de la sortie d'Égypte18. De ce fait, d'après lui, si on a un doute quant à savoir si on a récité ou pas cette bénédiction, il faut la réciter à nouveau. La Gamoro` rapporte que `Abbayé19 (qui défendait la position de Rov Yahoudhoh) a expliqué à Rov Yôséf20 (qui la rejetait) que la raison pour laquelle Rov Yahoudhoh ne considérait pas le Shama´ comme une obligation biblique est qu'il interprétait le verset « quand tu te coucheras et quand tu te lèveras » comme une obligation générale de réciter des paroles de Tôroh (n'importe lesquelles) le matin et le soir, et non pas une obligation de réciter le Shama´ en particulier.

Rabbi Yôséf Qa`rô écrit également ceci :

`Ôrah Hayyim 65:1
Si on le récite par intervalles, c'est-à-dire, on a commencé à réciter et on s'est interrompu, soit en gardant le silence, soit en parlant, et on a repris ensuite [la récitation] pour [l']achever, même si on a laissé passer la quantité de temps nécessaire pour l'achever [normalement], on est quitte, et même si l'interruption est causée par une contrainte21.
קראה סירוגין דהיינו שהתחיל לקרות והפסיק בין בשתיקה בין בדיבור וחזר וגמרה אפילו שהה כדי לגמור את כולה יצא אפילו היה ההפסק מחמת אונס

Cette règle est également énoncée par le Rambam :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:12
Si on le récite avec des intervalles, on est quitte ; même si on marque à chaque fois une pause suffisante pour finir toute [la récitation], on est quitte, et c'est à condition qu'on récite dans l'ordre.
קראה סירוגין, יצא; אפילו שהה בין סירוג לסירוג כדי לגמור את כולה, יצא--והוא, שיקרא על הסדר

La Gamoro` de Barokhôth 24b rapporte une divergence d'opinion sur ce point. Rov Houno` a rapporté au nom de Rébbi Yôhonon que si quelqu'un récitait le Shama´ en marchant et arrivait dans une ruelle sale, il devait placer sa main devant la bouche et continuer à réciter le Shama´. Mais Rov Hisdo` soutenait qu'il fallait stopper sa récitation et attendre d'arriver à un endroit plus propre. Mais si l'on s'est interrompu, à partir d'où fallait-il reprendre la récitation ? Du début ou de là où on s'est interrompu ? La Gamoro` rapporte alors l'anecdote suivante :

Rébbi `Abbahou marchait une fois derrière Rébbi Yôhonon et récitait le Shama´. Et lorsqu'il arriva dans une ruelle sale, il stoppa. Et [lorsqu'ils en sortirent,] il dit à Rébbi Yôhonon : « Où dois-je reprendre ? » Et il lui répondit : « Si tu t'es arrêté suffisamment longtemps que pour l'achever, retourne au début ! » Ce qu'il voulait lui dire est ceci : « Je ne soutiens pas [que tu avais à stopper ta récitation]. Mais prenant en compte ton opinion selon quoi c'était nécessaire, si tu t'es arrêté suffisamment longtemps que pour l'achever, reprends du début ». Il y a un enseignement en accord avec Rov Houno` et il y a un enseignement en accord avec Rov Hisdo`. Il a été enseigné en accord avec Rov Houno` : « Si quelqu'un marchait dans une ruelle sale, il doit placer sa main devant la bouche et réciter le Shama´ ». Il a été enseigné en accord avec Rov Hisdo` : « Si quelqu'un marchait dans une ruelle sale, il ne doit pas réciter le Shama´ ; et plus encore, s'il faisait la récitation et est arrivé [dans une ruelle sale], il doit stopper [sa récitation] ».
רבי אבהו הוה קא אזיל בתריה דרבי יוחנן והוה קא קרי ק"ש כי מטא במבואות המטונפות אשתיק א"ל לר' יוחנן להיכן אהדר א"ל אם שהית כדי לגמור את כולה חזור לראש הכי קאמר ליה לדידי לא סבירא לי לדידך דסבירא לך אם שהית כדי לגמור את כולה חזור לראש תניא כותיה דרב הונא תניא כותיה דרב חסדא תניא כותיה דרב הונא המהלך במבואות המטונפות מניח ידו על פיו ויקרא ק"ש תניא כותיה דרב חסדא היה מהלך במבואות המטונפות לא יקרא ק"ש ולא עוד אלא שאם היה קורא ובא פוסק

La question n'est donc pas tranchée, et tout dépendra de l'opinion que l'on suit. Lorsqu'une question n'est pas tranchée dans le Talmoudh, cela signifie que l'on peut choisir la position que l'on préfère.

Alors que cette Gamoro` implique que celui qui fait le choix d'interrompre sa récitation, parce qu'il estime que vu la circonstance il serait préférable de s'interrompre, et que suffisamment de temps est passé pour qu'il ait pu achever le Shama´ s'il s'était trouvé dans une situation ordinaire, il devra recommencer le Shama´ depuis le début et non pas à partir de là où il s'est interrompu, le Rambam tranche différemment et est d'avis qu'il peut reprendre de là où il s'est interrompu, même s'il a laissé passé suffisamment de temps que pour terminer le Shama´ dans une situation ordinaire. Et Rabbi Yôséf Qa`rô suit la décision du Rambam.

Notez également que cette Gamoro` ne mentionne cette règle que dans le contexte de quelqu'un qui se trouve dans un endroit ou une situation inappropriée pour réciter le Shama´, ou qui récitait le Shama´ et est ensuite arrivé dans un endroit ou une situation inappropriée. Or, le Rambam (et Rabbi Yôséf Qa`rô, qui reprend la décision du Rambam) applique cette règle à toutes les circonstances, et sous-entend donc, comme l'écrit Rabbi Yôséf Qa`rô, que cela s'applique à toutes les formes d'interruption que l'on estimera nécessaire, comme par exemple lorsqu'on s'interrompt pour dire quelque chose à quelqu'un, ou pour faire quelque chose d'autre. Pourtant, à partir de plusieurs passages du Talmoudh décrivant des situations se passant durant l'ère de la Mishnoh, nous voyons clairement qu'il est strictement interdit d'interrompre sa récitation du Shama´ pour parler (sauf pour saluer un roi Gôy22 ou quelqu'un d'honorable, comme cela sera rapporté plus bas) ou faire quelque chose d'autre (par contre, on peut faire d'autres choses en même temps que l'on récite le Shama´, pourvu que l'on se soit arrêté au moins pour le premier verset).

En commentant cette règle du Shoulhon ´Oroukh, le Ram`o écrit quelque chose qui est beaucoup plus en phase avec le sens clair de la Gamoro` susmentionnée :

Et il y en a qui disent que si c'était sous la contrainte et qu'il s'est interrompu le temps qu'il faudrait pour achever complètement [la récitation du Shama´], il doit reprendre depuis le début, et telle est notre coutume. Nous calculons ce délai en fonction de celui qui récite et non en fonction de la majorité des fils de l'Homme.
ויש אומרים דאם היה אנוס והפסיק כדי לגמור את כולה חוזר לראש והכי נהוג. ומשערין ענין השהייה לפי הקורא ולא לפי רוב בני אדם

En d'autres mots, lorsqu'on parle du temps qu'il aurait fallu pour achever tout le Shama´ si on s'était trouvé dans des conditions normales, c'est en fonction du temps que prend généralement cette personne pour achever l'intégralité du Shama´. Ainsi, si par exemple, en temps normal, il lui faut une demi-heure pour réciter les trois paragraphes du Shama´, s'il s'est interrompu dans sa récitation mais a repris avant qu'une demi-heure ne soit passée, il reprendra d'où il s'est interrompu. Par contre, si plus d'une demi-heure est passée, il reprendra depuis le début du Shama´ (au paragraphe « Wa`ohavto »). Le Moghén `Avrohom זצ״ל souligne à juste titre que les propos du Ram`o sous-entendent qu'ils ne s'appliquent qu'au cas où la personne est réellement contrainte de s'interrompre (comme par exemple, pour faire ses besoins), ou qu'elle s'est soudainement retrouvée dans un lieu inapproprié pour la récitation du Shama´, mais pas si elle s'est interrompue inutilement, sans qu'il n'y ait de raisons pressantes de le faire.

Il y a néanmoins des situations où s'interrompre volontairement durant le Shama´ est permis par la Halokhoh. Rabbi Yôséf Qa`rô écrit :

`Ôrah Hayyim 66:1
Entre les paragraphes, il peut s'enquérir du bien-être d'un homme honorable et répondre à la salutation de tout homme. Au milieu d'un paragraphe, il peut s'enquérir du bien-être de quelqu'un qu'il craint, comme par exemple son père, son maître ou quiconque est plus grand que lui dans la sagesse, et très certainement un roi ou un oppresseur. Il peut répondre à la salutation d'un homme honorable et même en plein milieu d'un verset, à l'exception du verset « Shama´ Yisro`él » et de « Boroukh Shém Kavôdh Malkhouthô La´ôlom Wo´adh » où l'on ne peut pas du tout s'interrompre, à moins que l'on craigne d'être tué.
בין הפרקים שואל בשלום אדם נכבד ומשיב שלום לכל אדם ובאמצע שואל בשלום מי שהוא ירא ממנו כגון אביו או רבו או מי שהוא גדול ממנו בחכמה וכל שכן מלך או אנס ומשיב שלום לאדם נכבד ואפילו באמצע הפסוק חוץ מפסוק שמע ישראל וברוך שם כבוד מלכותו לעולם ועד שלא יפסיק בהם כלל אם לא מפני מי שירא שמא יהרגנו

Le Rambam mentionne également ces règles :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:15-17
15. Si celui qui récite a croisé quelqu'un ou qu'il s'est fait aborder, si c'était entre une section et une autre, il peut s'interrompre et commencer à s'enquérir du bien-être de celui qu'il a l'obligation d'honorer23, comme par exemple s'il a croisé son père ou son maître24 ou celui qui est plus grand que lui dans la sagesse. Et il peut répondre à la salutation de tout homme qui le salue.
טו  היה קורא ופגע באחרים, או פגעו בו--אם היה בין פרק לפרק--פוסק ומתחיל ושואל בשלום מי שהוא חייב בכבודו, כגון שפגע באביו או רבו, או מי שהוא גדול ממנו בחכמה; ומשיב שלום, לכל אדם שנתן לו שלום
16. Si celui qui récite était au milieu d'une section25, il ne s'interrompt pas pour s'enquérir [du bien-être de quelqu'un], si ce n'est du bien-être de celui qu'il craint, comme par exemple un roi ou un oppresseur26, et des personnes semblables. Mais si quelqu'un qu'il est tenu d'honorer, comme par exemple son père ou son maître, le salue en premier, il s'interrompt et lui retourne la salutation.27
טז  היה קורא באמצע הפרק--אינו פוסק ומתחיל לשאול אלא בשלום מי שהוא מתיירא ממנו, כגון מלך או אנס וכיוצא בהן; אבל מי שהוא חייב בכבודו, כגון אביו או רבו--אם נתן לו שלום תחילה, פוסק ומשיב לו שלום
17. Et voici [ce que l'on appelle] « entre les sections » : entre la première bénédiction et la deuxième, entre la deuxième et « Shama´ »28, entre « Shama´ » et « Wahoyoh `Im Shomôa´ », entre « Wahoyoh `Im Shomôa´ » et « Wayyô`mar ». Mais entre « Wayyô`mar » et « `Amath Wayassiv », c'est comme être au milieu d'une section, et l'on ne s'interrompra que pour s'enquérir [du bien-être] de celui que l'on craint et pour répondre [à la salutation] de quelqu'un que l'on est tenu d'honorer.
יז  ואלו הן בין הפרקים--בין ברכה ראשונה לשנייה, בין שנייה ל"שמע", בין "שמע" ל"והיה, אם שמוע", בין "והיה, אם שמוע" ל"ויאמר". אבל בין "ויאמר" לאמת ויציב, הרי הוא כאמצע הפרק, ולא יפסיק אלא לשאול מפני היראה, ולהשיב מפני הכבוד

Ces Halokhôth sont basées sur les Mishnoyôth suivantes :

Barokhôth 2:129
« Entre les paragraphes, il peut saluer [quelqu'un] à cause de l'honneur [qu'il doit à cette personne] et répondre, et en plein milieu [d'un paragraphe], il peut saluer [quelqu'un] à cause de la crainte [que lui inspire cette personne] et répondre ». [Ce sont là] les paroles de Rébbi Mé`ir. Rébbi Yahoudoh dit : « En plein milieu [d'un paragraphe], il peut saluer [quelqu'un] à cause de la crainte [que lui inspire cette personne] et répondre à cause de l'honneur [qu'il doit à celui qui l'a salué], et entre les paragraphes, il peut saluer [quelqu'un] à cause de l'honneur [qu'il doit à cette personne] et répondre ''Sholôm'' à tout homme ».
ובפרקים שואל מפני הכבוד ומשיב, ובאמצע שואל מפני היראה ומשיב, דברי רבי מאיר. רבי יהודה אומר, באמצע שואל מפני היראה ומשיב מפני הכבוד, ובפרקים שואל מפני הכבוד ומשיב שלום לכל אדם
Barokhôth 2:230
Ceux-ci sont [ce que l'on appelle] entre les paragraphes : entre la première bénédiction et la deuxième, entre la deuxième et « Shama` », entre « Shama´ » et « Wahoyoh », entre « Wahoyoh `Im Shomôa´ » et « Wayyômar », entre « Wayyômar » et « `Amath Wayassiv ». Rébbi Yahoudhoh dit : « Entre ''Wayyômar'' et ''`Amath Wayyassiv'' on ne s'interrompt pas ».
אלו הן בין הפרקים--בין ברכה ראשונה לשנייה, ובין שנייה ל"שמע", ובין "שמע" ל"והיה, אם שמוע", בין "והיה, אם שמוע" ל"ויאמר", בין "ויאמר" לאמת ויציב. רבי יהודה אומר, בין "ויאמר" לאמת ויציב לא יפסיק

Le Rambam et Rabbi Yôséf Qa`rô suivent donc l'approche de Rébbi Yahoudhoh.

Dans de nombreuses communautés, il est de coutume d'insérer en plein milieu des bénédictions du Shama´ des Piyyoutim (poèmes liturgiques), comme par exemple « `Él `Odhôn » (un Piyyout rédigé en `Aras Yisro`él durant le Moyen-âge selon l'ordre de l'alphabet hébraïque, et qui est généralement récité lors des offices de Shabboth en plein milieu de la première bénédiction qui précède le Shama´). Rabbi Yôséf Qa`rô s'oppose à cette pratique consistant à insérer des Piyyoutim dans les bénédictions :

`Ôrah Hayyim 68:1
Il y a des endroits où [certains ont la pratique] de faire des interruptions dans les bénédictions de la récitation du Shama´ afin de chanter des Piyyoutim. Il convient de s'abstenir de les dire, parce qu'ils constituent une interruption.
יש מקומות שמפסיקים בברכות קריאת שמע לומר פיוטים ונכון למנוע מלאמרם משום דהוי הפסק

Le Rambam a écrit la même chose dans l'une de ses Responsa. En d'autres mots, si on se trouve dans une Synagogue où la communauté locale a la coutume d'entonner des Piyyoutim en plein milieu des bénédictions du Shama´, comme c'est le cas dans la majorité des communautés d'aujourd'hui, on doit, d'après le Rambam et Rabbi Yôséf Qa`rô, s'abstenir de chanter avec la communauté, car si on chante, on aurait fait une interruption en plein milieu d'une bénédiction, ce qui n'est évidemment pas permis. En outre, la Mishnoh ne permet pas de s'interrompre en plein milieu d'une section, sauf pour quelqu'un dont on craint que si on ne répondait pas à sa salutation il en viendrait à nous tuer.

Ceux qui permettent de le faire se basent sur le fait que nous voyons que plusieurs Sages des temps mishnaïques et talmudiques ajoutaient des paroles personnelles dans leurs bénédictions et prières. le Ram`o tranche de la manière suivante :

Et il y en a qui disent qu'il n'y a là aucune interdiction, et telle est la coutume en tous les lieux de les dire. Et celui qui est indulgent et ne les dit pas ne perd rien. Néanmoins, on ne doit pas être occupé par autre chose31. Même par des paroles de Tôroh il est interdit de s'interrompre et de s'en occuper tout le temps où le Shaliah Sibbour dit les Piyyoutim, et il est certainement interdit de s'adonner à une discussion futile. En tous les cas, celui qui étudie en pensée, c'est-à-dire, qui regarde dans un livre32, ce n'est pas une interdiction, car penser n'est pas la même chose que parler.33 On craint néanmoins qu'au milieu [de ses pensées] il en arrivera à parler.34 Par conséquent, un homme ne doit pas se distinguer de l'assemblée dans un endroit où ils ont la coutume de les dire. Il les dira avec eux.
יש אומרים דאין איסור בדבר וכן נוהגין בכל המקומות לאמרם והמיקל ואינו אומרם לא הפסיד. ומכל מקום לא יעסוק בשום דבר אפילו בדברי תורה אסור להפסיק ולעסוק כל זמן שהצבור אומר פיוטים וכל שכן שאסור לדבר שום שיחה בטילה ומכל מקום מי שלומד על ידי הרהור שרואה בספר ומהרהר לית ביה איסורא דהרהור לאו כדיבור דמי אלא שמתוך כך יבואו לדבר ויבואו לידי הפסק ועל כן אין לאדם לפרוש עצמו מהציבור במקום שנהגו לאמרם ויאמר אותם עמהם

En d'autres mots, d'après le Ram`o, si quelqu'un est réellement capable de garder le silence jusqu'à ce que l'assemblée ait terminé de chanter les Piyyoutim, qu'il estime être une interruption dans la récitation des bénédictions relatives au Shama´, et sait faire preuve de patience en attendant qu'ils aient fini, il pourra alors s'abstenir de les réciter avec l'assemblée. Dans le cas contraire, mieux vaut pour lui qu'il les chante avec l'assemblée. (Néanmoins, nous suivons le Rambam qui interdit de chanter des Piyyoutim en plein milieu des bénédictions relatives au Shama´.)

Rabbi Yôséf Qa`rô écrit :

`Ôrah Hayyim 61:9
Il est interdit de dire « Shama´ » deux fois, que l'on ait répété les mots en disant « Shama´ Shama´ », ou que l'on ait répété le premier verset35.
אסור לומר שמע ב' פעמים בין שכופל התיבות שאומר שמע שמע בין שכופל הפסוק ראשון

Là encore, Rabbi Yôséf Qa`rô s'est appuyé sur le Rambam, mais ne dit pas tout à fait ce que le Rambam déclare :

Hilkhôth Qiryath Shama´ 2:11
S'il récite un verset et le récite une seconde fois, cela est répréhensible. S'il récite un mot et le répète, comme par exemple « Shama´, Shama´ », on le fait taire.
קרא פסוק וחזר וקראו פעם שנייה, הרי זה מגונה; קרא מילה אחת וכפלה, כגון שקרא שמע שמע, משתקין אותו

Il y a donc une différence notoire entre les deux : concernant celui qui récite deux fois de suite un même verset, le Rambam dit juste que c'est quelque chose de répréhensible, mais pas que c'est interdit, tandis qu'il indique clairement que répéter deux fois de suite un mot comme « Shama´ » est interdit. Quant à Rabbi Yôséf Qa`rô, il écrit que dans les cas deux cas, c'est interdit. Quelle est l'approche la plus correcte ?

Cette Halokhoh tire sa source du passage talmudique suivant :

Barokhôth 33b
Rov Zéra`36 a dit : « Quiconque dit Shama´ Shama´, c'est comme dire Môdhim Môdhim ». Une objection fut soulevée : « Celui qui récite le Shama´ et le répète, cela est répréhensible ». Il est répréhensible mais nous ne le faisons pas taire ? Il n'y a pas de contradiction : dans un cas il répète chaque mot tel quel37, et dans l'autre cas chaque verset tel quel38.
אמר ר' זירא כל האומר שמע שמע כאומר מודים מודים דמי מיתיבי הקורא את שמע וכופלה הרי זה מגונה מגונה הוא דהוי שתוקי לא משתקינן ליה לא קשיא הא דאמר מילתא מילתא ותני לה והא דאמר פסוקא פסוקא ותני ליה

Cette Gamoro` est le commentaire de la Mishnoh de Barokhôth 5:3 qui enseigne que si quelqu'un dirige la prière et qu'on l'entend dire « Môdhim Môdhim » (Nous Te sommes reconnaissants, nous Te sommes reconnaissants) dans l'avant-dernière bénédiction de la ´Amidhoh, on doit le faire taire, car en disant « Môdhim Môdhim », il donne l'impression de s'adresser à deux dieux.39 Partant de cette Halokhoh, Rov Zéra` enseigne que la même règle s'applique lorsque quelqu'un déclare « Shama´ Shama´ » (Écoute, écoute), car il donne l'impression de s'adresser à deux divinités. Mais la Gamoro` enseigne qu'il n'en est pas de même pour celui qui répète deux fois de suite le premier verset du Shama´. Rashi explique que bien qu'une telle personne ait mal agi et semble avoir déformé le verset, nous ne la faisons pas taire, car le fait de répéter deux fois un même verset n'indique en rien l'existence de deux divinités. Par contre, la répétition du mot « Shama´ » (ou « Môdhim », dans la ´Amidhoh) est problématique, car cela peut effectivement être considéré comme un hommage à deux autorités.

Ainsi, le Rambam rapporte fidèlement ce passage talmudique, tandis que Rabbi Yôséf Qa`rô va plus loin que ce qui est écrit, et interdit même la répétition d'un même verset.

À noter que HoRov Môshah Feinstein זצ״ל tranche de manière plus stricte encore que Rabbi Yôséf Qa`rô et écrit40 que même lorsqu'on chante des prières, on ne doit pas répéter des mots à l'inverse de ce que font de nombreux Hazzonim, bien qu'en soit cela ne constitue pas une interruption.

1Pour le commentaire sur cette Mishnoh, voir ici
2Un Tanno` du deuxième siècle, contemporain de Rébbi Shim´ôn ban Gamli`él II.
3En proclamant l'unité et l'unicité d'HaShem dans le premier paragraphe du Shama´.
4Que l'on indique par la phrase « Et si vous écoutez Mes commandements », qui est la première phrase du deuxième paragraphe du Shama´
5Puisque le deuxième paragraphe mentionne tous les commandements
6Puisque le troisième paragraphe ne fait mention que de la Miswoh des Sisith, qui ne s'applique pas durant la nuit, raison pour laquelle ce paragraphe n'était récité que de jour mais pas la nuit, contrairement à ce qui se fait de nos jours
7C'est le passage de la Mishnoh que va à présent commenter la Gamoro`
8Un `Amôro` palestinien de la troisième génération des `Amôro`im (3ème siècle)
9Un `Amôro` palestinien de la troisième génération des `Amôro`im (3ème-4ème siècle). Il était le collègue de Rébbi `Ammi. Les deux furent surnommés « Les juges de `Aras Yisro`él » et « Les prêtres distingués de `Aras Yisro`él » par leurs contemporains babyloniens
10Dans la récitation du Shama´
11C'est-à-dire, il ne sait plus s'il a terminé le premier paragraphe ou le deuxième, car ils se ressemblent
12`Ô.H. 64
13Le premier paragraphe du Shama´.
14Le deuxième paragraphe du Shama´
15Davorim 6:9
16Ibid., 11:20
17Un `Amôro` babylonien de la deuxième génération des `Amôro`im. Il est né en 220 et est décédé en 299 de l'ère courante. Il est le plus grand disciple de Rov
18Davorim 16:3
19Un `Amôro` babylonien qui est né à la fin du troisième siècle et est décédé en 339 de l'E.C.
20Un `Amôro` babylonien de la troisième génération des `Amôro`im. Il fut un disciple de Rov Yahoudhoh et le maître de `Abbayé. Rov Yôséf était aveugle.
21C'est-à-dire, que l'on a été obligé, contre son gré, d'interrompre sa récitation du Shama´
22Dans le cas où le roi Gôy a réellement un pouvoir de vie ou de mort sur sa population. Cela n'est plus le cas dans la plupart de nos pays
23C'est-à-dire, il peut initier le contact. Cette phrase suit l'opinion de Rébbi Yahoudhoh, citée dans la Mishnoh ci-dessous
24C'est-à-dire, celui qui lui a enseigné la Tôroh
25Rabbénou Manôah זצ״ל explique cette règle de la façon suivante : après avoir fait une interruption, on doit reprendre d'où l'on s'est interrompu uniquement si l'interruption ne s'est pas produite en plein milieu d'une même idée. Quand quelqu'un est contraint de s'interrompre en plein milieu d'une idée, il devra répéter l'entièreté du verset après avoir salué, par crainte de ne plus comprendre la suite de ce qu'il récite. C'est pourquoi, la règle suivante ne permet pas de s'interrompre lorsqu'on est encore dans la récitation d'une section, sauf si on craint pour sa vie si l'on ne saluait pas en premier
26On parle donc ici d'une crainte physique et non révérencielle, c'est-à-dire, quelqu'un capable de nous tuer pour ne pas l'avoir salué
27À notre époque, le Hofés Hayyim זצ״ל (Mishnoh Barouroh 66:1) tranche que l'on ne devrait plus saluer (ou répondre à la salutation de) qui que ce soit durant la récitation du Shama´, sauf s'il est évident que la personne se sentira insulté si on ne lui répond pas. Mais étant donné que plus aucun Juif ne pourrait se sentir insulté si on ne lui répondait pas, car tous savent que l'on ne s'interrompt pas dans le Shama´, de tels cas sont rares d'après lui
28Cela sous-entend qu'il est permis de s'interrompre entre les bénédictions qui précèdent le Shama´ et la récitation du Shama´ en lui-même, tandis qu'en règle générale il est interdit de s'interrompre entre une bénédiction et l'acte pour lequel on bénit. Mais le Shama´ est une exception car il n'est non seulement pas obligatoire de réciter le Shama´ directement après ces bénédictions, mais qu'en réalité, les deux bénédictions qui précèdent le Shama´ ne sont pas du tout liées au Shama´, et peuvent être récitées indépendamment du Shama´. Par conséquent, s'interrompre entre la deuxième bénédiction et le Shama´ en lui-même est permis
29Voir ici pour le commentaire sur cette Mishnoh
30Voir ici pour le commentaire sur cette Mishnoh
31C'est-à-dire, même si on ne chante pas les Piyyoutim avec la communauté parce qu'on estime que c'est une interruption dans la récitation des bénédictions relatives au Shama´, il ne convient pas de s'occuper par autre chose pendant que la communauté chante
32Mais ne prononce pas les mots qu'il lit
33En d'autres mots, pendant que la communauté chante, il peut étudier mentalement quelques paroles de Tôroh, mais il ne doit pas les prononcer avec sa bouche
34Peut-être qu'il n'aura plus la patience d'attendre que l'assemblée ait terminé de chanter
35C'est-à-dire, que l'on ait dit deux fois « Shama´ Yisro`él HaShem `Alôhénou HaShem `Ahodh »
36Un `Amôro` babylonien de la troisième génération des `Amôro`im. Il fut un disciple de Rov Hisdo`, puis de Rov Houno`, et enfin de Rov Yahoudhoh, avant d'immigrer en Palestine
37Et on doit le faire taire
38Ce qui est simplement répréhensible
39Pour le commentaire sur cette Mishnoh, voir ici

40`Iggarôth Môshah, `Ô.H., Volume 2, Responsa 22
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