dimanche 31 juillet 2016

HaShem aide celui qui veut se repentir

ב״ה

HaShem aide celui qui veut se repentir


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Nous lisons ceci dans le Talmoudh1 :

Résh Laqqish a dit : Quel est [la signification] de ce qui est écrit2 : « Si cela concerne les moqueurs Il Se moque [d'eux], mais à ceux qui sont humbles Il accorde de la grâce » ? [Cela signifie que si quelqu'un] vient pour se souiller [les portes] lui sont ouvertes, [mais s']il vient pour se purifier il se fait aider.
אמר ריש לקיש מאי דכתיב אם ללצים הוא יליץ ולענוים יתן חן בא לטמא פותחין לו בא לטהר מסייעין אותו

Cela nous enseigne que si quelqu'un désire commettre un péché, les Cieux n'interfèrent pas ; on se moque de lui étant donné qu'il s'est moqué des lois d'HaShem ית׳. Par contre, si quelqu'un désire se repentir, il se fait divinement assister par la grâce d'HaShem. En outre, à la page suivante le Talmoudh ajoute ceci3 :

Nos Rabbins ont enseigné : [Le verset]4 « Ne vous souillez point par eux afin de ne pas en contracter la souillure » [signifie que si] un homme se souille un peu on le souille abondamment ; [s'il se souille] en bas on le souille d'en haut ; [et s'il se souille] dans ce Monde-ci on le souille au Monde-à-Venir.
תנו רבנן (אל) תטמאו בהם ונטמתם בם אדם מטמא עצמו מעט מטמאין אותו הרבה מלמטה מטמאין אותו מלמעלה בעולם הזה מטמאין אותו לעולם הבא

Le Talmoudh nous enseigne ici que le péché engourdit la personne au mal que constitue le péché, que chaque péché qu'elle commet l'amène à pécher plus aisément encore la fois suivante, et que le péché a le pouvoir de compromettre sa part dans le Monde-à-Venir.

À la lecture de ces deux passages talmudiques nous pouvons nous poser trois questions :

  1. Si HaShem nous aide à nous repentir, pourquoi ne nous empêche-t-Il pas de pécher ?

  1. Pourquoi avons-nous même besoin d'aide lorsque nous désirons nous repentir ?

  1. Quel lien y a-t-il avec le deuxième passage selon quoi le péché engourdit l'homme au mal qu'il constitue ?

HaShem n'intervient dans les affaires humaines que pour assister l'homme et non pour tout faire pour lui ou à sa place. Puioqu'Il n'intervient que pour apporter une assistance, lorsqu'un homme pèche il s'exclut lui-même des situations dans lesquelles HaShem intervient pour l'homme, étant donné qu'HaShem ne peut ni l'assister pour faire le mal ni l'empêcher de commettre le mal qu'il désire commettre (car cela irait alors à l'encontre du libre-arbitre de l'homme, qui peut choisir entre le bien et le mal, l'obéissance et la désobéissance). Il est livré à lui-même ! Le deuxième passage talmudique selon quoi le péché nous engourdit explique pourquoi HaShem vient à notre aide lorsque nous aspirons à nous repentir. Car après avoir péché, nous nous sommes plus profondément enfoncés dans nos passions instinctives et ne sommes plus la même personne que nous étions avant d'avoir péché. Nous nous sommes davantage habitués au péché, ce qui nous a désensibilisés au bien. Nous avons donc besoin d'être assistés pour nous repentir, car nous ne sommes plus suffisamment forts que pour nous extirper du péché par nos propres moyens uniquement.

1Yômo` 38b
2Mishlé 3:34
3Yômo` 39a

4Wayyiqro` 11:43

vendredi 29 juillet 2016

La Paroshoh avec le Ramba''m : Parashath Pinhos

ב״ה

La Paroshoh avec le Ramba''m

Parashath Pinhos


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La Parashath Pinhos contient une brève description des lois toraniques relatives à l'héritage, déterminant les proches ayant droit d'héritage sur les biens du défunt ainsi que l'ordre de priorité dans le partage de l'héritage.1 La Tôroh conclut cette section par la remarque suivante2 : וְהָיְתָה לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל, לְחֻקַּת מִשְׁפָּט, כַּאֲשֶׁר צִוָּה יהוה, אֶת-מֹשֶׁה « Et ce sera pour les Bané Yisro`él une règle de droit, ainsi que `adhônoy l'a ordonné à Môshah ». Cette phrase constitue la base d'une fameuse décision du Ramba''m ז״ל qu'il exprime dans son Mishnéh Tôroh. Voici ce qu'il tranche3 :

Un homme ne peut faire hériter celui qui n'est pas digne d'hériter de lui4 ni priver de l'héritage un héritier [légitime], bien qu'il s'agisse [d'une question] pécuniaire, parce qu'il est dit dans la section relative aux héritages : « Et ce sera pour les Bané Yisro`él une règle de droit ». C'est-à-dire que cette règle n'est pas altérable et qu'une condition n'est d'aucune conséquence à cet égard. Qu'on ait donné des instructions lorsqu'on était en bonne santé ou sur son lit de mort, et peu importe que cela a été fait oralement ou par écrit, ce n'est d'aucune conséquence.
אֵין אָדָם יָכוֹל לְהוֹרִישׁ מִי שְׁאֵינוּ רָאוּי לְיָרְשׁוֹ, וְלֹא לַעְקֹר הַיְּרֻשָּׁה מִן הַיּוֹרֵשׁ, אַף עַל פִּי שֶׁזֶּה מָמוֹן הוּא: לְפִי שֶׁנֶּאֱמָר בְּפָרָשַׁת נְחָלוֹת "וְהָיְתָה לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל, לְחֻקַּת מִשְׁפָּט" --לוֹמַר שֶׁחֻקָּה זוֹ לֹא תִשְׁתַּנֶּה, וְאֵין הַתְּנָאי מוֹעִיל בָּהּ; בֵּין שֶׁצִּוָּה וְהוּא בָּרִיא בֵּין שֶׁצִּוָּה וְהוּא שְׁכִיב מְרַע, בֵּין עַל פֵּה בֵּין בִּכְתָב--אֵינוּ מוֹעִיל

D'après le Ramba''m, les lois relatives à l'héritage diffèrent des autres lois de la Tôroh qui régissent les possessions et le transfert de propriété. En règle générale, les deux parties peuvent s'accorder de la façon qu'elles le souhaitent et ne pas prendre en compte les lois de la Tôroh dans les affaires pécuniaires. Ainsi, la Halokhoh déclare que dans tout ce qui touche à l'argent on peut émettre des conditions qui vont même à l'encontre des instructions de la Tôroh. Si, par exemple, la Tôroh requiert d'un individu qu'il rembourse à son prochain ce qu'il lui doit, ou qu'ils se partagent un certain bien suivant un pourcentage spécifique, les deux parties peuvent se mettre d'accord sur un arrangement différent si elles le désirent, sans se référer au code civil de la Tôroh.

Par contre, lorsqu'il s'agit d'un héritage, le Ramba''m soutient que les exigences de la Tôroh ne peuvent être contournées. D'après lui, l'expression חֻקַּת מִשְׁפָּט « Houqqath Mishpot – règle de droit » fait des lois relatives à l'héritage une obligation religieuse absolue, plutôt qu'un simple arrangement pour résoudre des conflits entre deux parties.

Ce Pasaq du Ramba''m reflète la position juive sur les biens et le concept de possession : le droit de propriété de quelqu'un sur un bien est intrinsèquement limité par la mortalité humaine ; on ne peut pas déterminer ce qu'il adviendra de ses biens après notre décès. L'homme se voit accorder des possessions qu'il peut utiliser à sa guise de son vivant, mais ce contrôle est limité à la période qu'il passera sur terre. Seule la Tôroh détermine ce qui doit arriver à sa fortune une fois qu'il a quitté ce monde.

Ainsi, la Halokhoh fait une distinction à cet égard entre un héritage et un don. Comme le tranche un peu plus loin le Ramba''m dans ce même chapitre du Mishnéh Tôroh5, nous sommes habilités à distribuer nos avoirs à celui qu'on désire avant la mort en faisant des dons. Étant donné que cette distribution prendra effet alors que l'on est encore en vie, cela entre dans les limites du contrôle que nous exerçons sur nos possessions. Par contre, une distribution sous la forme d'un héritage ne peut ignorer les décrets de la Tôroh, car cela constituerait alors une tentative d'aller au-delà des limites que Dieu a imposées au contrôle que les humains peuvent exercer sur des possessions. Ce contrôle cesse au moment de la mort, et de ce fait on ne peut causer des transfert de propriété sur nos biens à notre guise de notre vivant, mais pas après la mort.

1Bamidhbor 27:6-11
2Ibid., verset 11
3Mishnéh Tôroh, Hilkôth Naholôth 6:1
4C'est-à-dire quelqu'un qui ne fait pas partie des héritiers légitimes

5Mishnéh Tôroh, Hilkôth Naholôth 6:6

jeudi 28 juillet 2016

Lois sur l'idolâtrie, la superstition, la sorcellerie et l'occultisme - Quatrième Partie

ב״ה

Lois sur l'idolâtrie, la superstition, la sorcellerie et l'occultisme

Quatrième Partie


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  1. Idolâtrie
  1. Fausses prophéties

  1. Il est défendu de prophétiser au nom d'une idole.1
  2. Il est défendu de faussement prophétiser au nom de Dieu.2
  3. Quiconque prophétise au nom de Dieu ou qui a entendu une vraie prophétie de la part de quelqu'un d'autre et prétend que c'est lui qui l'a reçue est un faux prophète.3
  4. Quiconque dit avoir reçu une prophétie au nom d'une idole ou d'un autre dieu qu'HaShem ית׳, et dit qu'on lui a demandé de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose, quand bien même ce qu'il dit ne va pas à l'encontre des enseignements de la Tôroh, c'est un faux prophète.
  5. Il est défendu d'écouter un faux prophète4, même s'il a été capable de produire des signes et des miracles.5
  6. La Tôroh nous exhorte à ne pas craindre un faux prophète et de ne pas hésiter à l'exécuter.6

  1. Dresser la table pour Gadh

  1. Le Prophète Yasha´yohou7 ז״ל s'en prend en des termes très virulents à ceux qui abandonnent Dieu et הַעֹרְכִים לַגַּד שֻׁלְחָן « ceux qui dressent une table pour Gadh ». Gadh désigne une étoile ou une planète, et est un terme employé pour faire référence à la chance, au hasard, la fortune et la destiné. De ce passage nous avons déduit la Halokhoh qui stipule qu'il est défendu de placer une miche de pain (qui constitue l'élément de base d'un repas) ou tout autre aliment sur la table, le soir, et d'attendre exprès le lendemain pour le consommer, car cela donnerait l'impression d'avoir offert une offrande à Gadh, comme ceux qui dressaient leurs tables pour ce faux dieu.8
  2. Par contre, il est permis de dresser la table du Shabboth matin dès le vendredi soir, et d'y déposer donc, dès le vendredi soir, les miches de pain, le sel et tous les aliments qu'on consommera le lendemain matin, car il est clair et évident qu'on fait cela en l'honneur du Shabboth et non de Gadh.9

  1. Tatouages

  1. Se tatouer ou se faire tatouer est défendu.10 De la même manière, se faire volontairement des entailles dans la peau est défendu.
  2. Lorsque quelqu'un s'est fait tatouer, et qu'il s'est repenti, s'il est possible de faire effacer les tatouages, il est un devoir pour tous les membres de la communauté de se cotiser pour payer l'opération.

  1. Se raser

  1. Il est défendu de raser n'importe lesquels des cinq « coins » de sa barbe et de ses Pé`ôth.11 Pour de plus amples informations sur ces deux interdictions, voir les articles intitulés « Le Ramba''m sur les Pé`ôth Horô`sh » et « Raser la barbe et les Pé`ôth Horô`sh ».
  2. Il est défendu pour un homme de raser certaines parties de son corps qui sont généralement rasées par les femmes. Ainsi, étant donné que ce sont traditionnellement les femmes qui se rasent les poils pubiens ou ceux des aisselles, un homme ne doit se raser ni les poils pubiens ni les aisselles, ce qui l'amènerait à transgresser l'interdiction de וְלֹא-יִלְבַּשׁ גֶּבֶר שִׂמְלַת אִשָּׁה « Un homme ne se revêtira pas du vêtement d'une femme ».12 Pour de plus amples informations sur cette interdiction, voir l'article intitulé « Les interdictions de Tiqqoun Noshim, Baghadh `ishoh et Kali Ghavar ».

  1. Travestissement13

  1. Une femme a l'interdiction de porter des vêtements d'hommes (caleçons, chemises masculines, etc.), tout comme un homme a l'interdiction de porter des vêtements de femmes (sous-vêtements féminins, robes de femmes, etc.).14
  2. Cela s'applique également lorsque la femme ne porte sur elle qu'un seul vêtement d'hommes mais que tout le reste de ses vêtements sont des vêtements de femmes, ou lorsque l'homme ne porte sur lui qu'un seul vêtement de femmes et que le reste de ses vêtements sont des vêtements d'hommes.15 Ainsi, par exemple, une femme ne peut pas porter le manteau de son mari (si c'est un manteau clairement masculin), même si le reste des vêtements qu'elle porte sont féminins.
  3. Un vêtement qui est unisexe (qui peut être porté aussi bien par des hommes que des femmes) ne tombe pas dans cette interdiction. Ainsi, si la femme possède un manteau qui est unisexe, il peut être porté par son mari.
  4. Une femme ne peut pas porter des bijoux ou des appareils vestimentaires d'hommes. Par exemple, une femme ne peut pas porter au poignet une montre d'hommes, ni mettre sur sa tête un couvre-chef d'hommes (un chapeau d'hommes, par exemple). De même, elle ne peut porter une armure.16 Elle ne peut pas non plus couper ses cheveux comme un homme (avoir une coiffure d'hommes). De la même manière, un homme a l'interdiction de porter des bijoux ou des appareils vestimentaires de femmes, comme par exemple porter un voile ou encore porter des vêtements au couleurs vives (à moins que là où il vive, ce soit aussi la coutume pour les hommes de s'habiller avec des couleurs vives).17

  1. Teindre ses cheveux

  1. Un homme a l'interdiction de teindre ses cheveux, même s'ils deviennent gris, car l'esthétisme est du domaine de la femme et parce que la Tôroh associe les barbes blanches à la sagesse.

Dans la cinquième partie, Dieu voulant, nous parlerons des interdictions relatives au fait d'imiter les Gôyim.

1Davorim 18:20
2Ibid.
3Mishnéh Tôroh, Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 5:12
4Davorim 13:3-4
5Mishnéh Tôroh, Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 5:9-11
6Davorim 18:22
7Yasha´yohou 65:11
8Shoulhon ´oroukh, Y.D. 178:3
9Ba`ér Hétév Y.D. 178:5
10Wayyiqro` 19:28
11Ibid., verset 27
12Davorim 22:5
13Le Rov Samson Raphaël Hirsch a expliqué que l'idolâtrie et les comportements immoraux, comme le travestissement, vont toujours de pair. Il est important de préciser que le travestissement ne signifie pas seulement porter les habits des gens de l'autre sexe mais aussi adopter les manières des gens de l'autre sexe
14Ibid.
15Ramo''`, Y.D. 182:5
16C'est de là que nous déduisons une raison supplémentaire d'interdire d'envoyer une femme à l'armée

17Shoulhon ´oroukh, Y.D. 182:5

Le Ramba''m sur les Pé`ôth Horô`sh

ב״ה

Le Ramba''m sur les Pé`ôth Horô`sh


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Certaines personnes mal informées prétendent que le Ramba''m ז״ל était opposée aux Pé`ôth Horô`sh, et se basant sur le célèbre portrait du Ramba''m ils vont jusqu'à dire que le Ramba''m lui-même ne possédait pas de Pé`ôth Horô`sh.

Premièrement, ce n'est pas sur la base d'un portrait que l'on peut déterminer ce que le Ramba''m a dit à ce sujet. Deuxièmement, il existe des doutes quant à savoir si ce portrait est réellement celui du Ramba''m (plusieurs avancent que ce portrait ne serait pas le sien mais plutôt celui d'un gôy turc). Troisièmement, quand bien même ce portrait serait celui du Ramba''m, il ne prouve absolument pas que le Ramba''m n'avait pas de Pé`ôth Horô`sh (elles pourraient très bien avoir été cachées dans son turban, à l'instar des Hasidhé Gour qui les cachent sous leurs Kippôth, donnant faussement l'impression qu'ils n'ont pas de Pé`ôth Horô`sh). Nous devons donc nous tourner vers les écrits du Ramba''m pour comprendre son opinion, plutôt que de nous baser sur un portrait (qui pourrait même ne pas être le sien).

Pour commencer, le Ramba''m ne pouvait absolument pas être opposé aux Pé`ôth Horô`sh, puisqu'elles constituent une Miswoh de la Tôroh. Dans le commentaire que le Ramba''m a fait sur les 613 Miswôth, la Miswoh des Pé`ôth Horô`sh est, dans sa liste, la 43ème Miswoh Négative de la Tôroh, qu'il commente de la manière suivante1 :

La 43ème Miswoh est l'avertissement qui nous a été lancé contre le fait de raser les tempes. Celui qui est exalté a dit2 : « N'arrondissez pas les coins de votre tête ». Et cette [Miswoh] Négative sert également à nous empêcher d'imiter les idolâtres, étant donné que c'est ainsi qu'agissaient les idolâtres, qui ne rasaient que leurs tempes. Par conséquent, ils3 ont expliqué dans le traité Yavomôth4 que : « Arrondir toute la tête est également inclus dans [l'interdiction] d'arrondir », afin que tu ne dises pas que l'interdiction ne concerne que le fait de raser les tempes et laisser le reste des cheveux, comme le font les prêtres idolâtres, et qu'en rasant toute la tête tu ne les imites pas. De ce fait, ils nous ont informé qu'il est interdit de raser les tempes de quelque façon que ce soit, que ce soit elles seules ou avec toute la tête. On est puni de coups de fouet distincts pour chaque côté. Par conséquent, celui qui rase toute sa tête reçoit deux mesures de coups de fouet. Nous ne les comptons pas comme deux Miswôth distinctes, bien qu'il y ait deux mesures de coups de fouet, simplement parce qu'il n'y a pas deux phrases [dans l’Écriture] pour cette interdiction. Si l’Écriture avait dit « N'arrondissez pas le coin droit de votre tête ni le coin gauche de votre tête », et qu'il y avait deux mesures de coups de fouet stipulées, nous aurions alors pu les compter comme deux Miswôth. Mais puisqu'il n'y a qu'une seule phrase et une seule sorte d'action, elle compte comme une seule Miswoh. Et bien que cette interdiction ait été expliquée comme faisant référence à différentes parties du corps, et qu'on reçoit des coups de fouet pour chaque partie de façon distincte, cela n'exige pas de notre part de la compter comme valant plus d'une Miswoh. Les détails de cette Miswoh ont été donnés à la fin du traité Makkôth. Les femmes n'y sont pas astreintes.
המצווה המ"ג האזהרה שהזהרנו מלגלח הצדעים. והוא אמרו יתעלה: "לא תקפו פאת ראשכם" (ויקרא יט, כז). וגם הלאו הזה הוא כדי שלא להתדמות לעובדי עבודה זרה, לפי שכך היו עושים עובדי עבודה זרה שמגלחים צדעיהם בלבד. ולפיכך הוצרכו לבאר במסכת יבמות ואמרו: "הקפת כל הראש - שמה הקפה", שלא תאמר שתכלית האיסור הוא גילוח הצדעים והנחת שאר השער כדרך שעושים כמרי עבודה זרה, אבל אם מגלח הכל הרי אין בכך התדמות להם - לפיכך הודיענו, שאסור לגלח הצדעים כלל בין לבדם בין עם כל הראש; וחייב מלקות על כל צדע מהם ולפיכך לוקה שתים אם גלח כל ראשו. והטעם שלא נמנה אלו כשתי מצוות, אף על פי שלוקה שתיים, מפני שאין בהם שני לשונות תחת לאו אחד. שאילו אמר: לא תקיפו פאת ראש מימין ופאת ראש משמאל והיינו מוצאים שחייבו עליהם שתים כי אז היה אפשר למנותם כשתי מצוות; אבל הואיל והם בלשון אחד ועניין אחד - הרי הם מצווה אחת. אף על פי שבא הפירוש, שלאו זה כולל חלקיים שונים מהגוף ושהוא חייב על כל חלק מהם לבדו, אין זה מחייב שיהיו מצוות הרבה. וכבר נתבארו דיני מצווה זו בסוף מכות; ולאו זה אין הנשים חייבות בו

Il est donc clair que :

  1. la Miswoh est biblique et non rabbinique ;
  2. en plus d'être un Hôq, cette Miswoh sert à nous distinguer des idolâtres ;
  3. il est tout autant interdit de se faire la boule à zéro (c'est-à-dire raser toute la tête, les Pé`ôth Horô`sh y compris) que de couper uniquement les Pé`ôth Horô`sh (et d'arrondir le reste de la tête5) ;
  4. quand la Tôroh parle d'arrondir, il est clair et évident qu'elle interdit également de raser, comme nous le voyons du fait que le Ramba''m emploie « arrondir » et « raser » de façon interchangeable ;
  5. celui qui rase les Pé`ôth Horô`sh est puni de flagellation pour chaque côté des tempes qu'il aura rasé. Ainsi, s'il a rasé les deux Pé`ôth Horô`sh, il est puni de deux mesures de coups de fouet, c'est-à-dire 78 coups de fouet ; 39 pour la Pé`oh droite et 39 pour la Pé`oh gauche ;
  6. à cela s'ajoute des coups de fouet supplémentaires pour chaque partie du corps ayant été rasée. Les Pé`ôth Horô`sh sont définies à la fin du traité Makkôth (vers lequel le Ramba''m nous renvoie) comme étant les cheveux qui se trouvent devant l'oreille et qui vont de la ligne des cheveux (l'endroit où un arc commence à se former) et descendent jusqu'à en-dessous de l'oreille (au niveau de la mandibule). On reçoit donc des coups de fouet supplémentaires pour les cheveux que l'on aura retirés de cette zone-là. (Bibliquement parlant, les cheveux qui sont en-dessous du niveau de la mandibule ne constituent pas des « Pé`ôth Horô`sh » à proprement parler et peuvent donc être coupés. Il n'est donc pas obligatoire de laisser ses Pé`ôth Horô`sh pendre plus bas que le niveau de la mandibule.)

Ceux qui prétendent donc que le Ramba''m était opposé aux Pé`ôth Horô`sh commettent une grave erreur ! En outre, si le Ramba''m lui-même n'avait pas du tout de Pé`ôth Horô`sh, il était lui-même un transgresseur passible de plusieurs coups de fouet d'après ses propres paroles ! Ainsi, le Ramba''m avait très certainement des Pé`ôth Horô`sh. Peut-être courtes, mais il en avait néanmoins !

Qu'en est-il à présent de la permission donnée par le Ramba''m de couper les Pé`ôth Horô`sh ? En effet, voici ce qu'il a écrit dans son Mishnéh Tôroh6 :

Bien qu'une femme ait la permission de raser les coins de sa tête, voici elle a l'interdiction de raser les coins de la tête d'un homme. Et même un mineur, il lui est interdit de les lui raser. Les Sages ne nous ont pas donné une mesure concernant le coin que nous devons laisser à la tempe. Mais nous avons entendu de nos Anciens qu'il ne faut pas laisser moins de quarante cheveux. Et il est permis de couper les coins avec des ciseaux. Ils n'ont interdit que la destruction du rasoir.
אַף עַל פִּי שֶׁהָאִשָּׁה מֻתֶּרֶת לְגַלַּח פְּאַת רֹאשָׁהּ, הֲרֵי הִיא אֲסוּרָה לְגַלַּח פְּאַת רֹאשׁ הַזָּכָר; וְאַפִלּוּ קָטָן, אָסוּר לָהּ לְגַלַּח לוֹ. וּפֵאָה זוֹ שֶׁמַּנִּיחִין בַּצֶּדַע, לֹא נָתְנוּ בָּהּ חֲכָמִים שֵׁעוּר; וְשָׁמַעְנוּ מִזְּקֵנֵינוּ, שְׁאֵינוּ מַנִּיחַ פָּחוּת מֵאַרְבָּעִים שְׂעָרוֹת. וּמֻתָּר לִלְקֹט הַפֵּאוֹת בְּמִסְפְּרַיִם, לֹא נֶאֱסָר אֵלָא הַשְׁחָתָה שֶׁלַּתַּעַר

Qu'apprend-t-on de cette Halokhoh ?

  1. Une femme n'a pas l'obligation d'avoir des Pé`ôth Horô`sh (mais elle peut les laisser pousser, si elle le désire. En fait, de nombreuses femmes ont des Pé`ôth Horô`sh sans forcément s'en rendre compte).
  2. Une femme a l'interdiction de couper les Pé`ôth Horô`sh de toute personne de sexe masculin, même s'il s'agit d'un mineur. De là nous voyons que même des jeunes garçons ne doivent pas raser leurs Pé`ôth Horô`sh. Ce qui est logique, puisque c'était la pratique des idolâtres de les raser. Or, même un enfant doit se distinguer des idolâtres.
  3. On doit laisser sur les côtés de la tête au moins quarante cheveux.
  4. Il est permis de couper les coins avec des ciseaux, mais il est interdit de les détruire comme avec un rasoir.

Ceux qui utilisent cette Halokhoh du Ramba''m pour permettre de couper les Pé`ôth Horô`sh n'ont pas la bonne lecture de cette Halokhoh. En effet, comprendre cette Halokhoh de cette manière pose de nombreux problèmes. Premièrement, cela suscite une contradiction. S'il était permis de couper les Pé`ôth Horô`sh, pourquoi une femme aurait-elle l'interdiction de couper même celles de son enfant ou encore celles de son mari ? Il convient de noter qu'à la Halokhoh 2, le Ramba''m écrit : וְהַמְּגַלֵּחַ אֶת הַקָּטָן, לוֹקֶה « Celui qui rase [les coins de la tête] de l'enfant se fait flageller ». (Néanmoins, à la Halokhoh 3, le Ramba''m précise qu'une femme qui rase les Pé`ôth Horô`sh d'un homme ne se fait pas flageller, car, à la base, une femme n'est pas astreinte à la Miswoh.) Deuxièmement, comme l'ont fait remarquer le Minhath Hinoukh et le Séfar Haqqôvés, à la Halokhoh 1 le Ramba''m déclare que couper les coins de la tête est une pratique des idolâtres et de leurs prêtres. De ce fait, si c'est une pratique idolâtre, cela signifie que couper ses Pé`ôth Horô`sh contrevient à l'interdiction d'imiter les pratiques des idolâtres ! Par conséquent, selon ces autorités, non seulement le moyen par lequel on les coupe n'a pas d'importance (c'est-à-dire qu'on les coupe aux ciseaux ou au rasoir, c'est la même chose), mais il est en plus inconcevable que le Ramba''m soit en train de permettre de les couper. Tout le contexte de ce Chapitre 12 des Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim indique que le Ramba''m l'interdit. Que veut-il donc dire en permettant de couper les Pé`ôth Horô`sh aux ciseaux mais pas au rasoir ?

Il existe deux explications :

  1. ce que le Ramba''m veut dire, c'est qu'après avoir laissé au moins quarante cheveux sur chaque côté de la tête, il est permis de couper les autres cheveux de cette zone-là aux ciseaux ;
  2. la Tôroh n'a pas interdit de couper les Pé`ôth (car il n'y a aucune obligation de les laisser pousser longues), mais de les raser, de les retirer intégralement au moyen d'un rasoir. D'où la raison pour laquelle le Ramba''m emploie l'expression de הַשְׁחָתָה שֶׁלַּתַּעַר « destruction du rasoir », c'est-à-dire retirer les Pé`ôth Horô`sh au rasoir ou avec tout outil qui peut potentiellement entraîner une disparition intégrale des Pé`ôth Horô`sh. En d'autres mots, il n'y a pas de problème à rétrécir ses Pé`ôth Horô`sh selon le Ramba''m, tant qu'elles ont la longueur minimale requise par la Halokhoh (c'est-à-dire tant qu'elles descendent jusqu'à la mandibule), et tant qu'on laisse au moins quarante cheveux. Par contre, ne pas avoir du tout de Pé`ôth Horô`sh parce qu'on les a « détruites » au rasoir ou par d'autres moyens qui ont le même effet que si l'on avait utilisé un rasoir, est une transgression de la Miswoh. Comme l'ont interprété le Séfar Hahinoukh et le Ma'aséh Rôqéah, il semble de tout le contexte de ce chapitre que le Ramba''m interdit en fait d'utiliser des ciseaux pour couper les Pé`ôth Horô`sh, mais que si on le fait, on n'est passible d'aucune punition, à partir du moment où on ne les « détruit » pas intégralement au rasoir ou par d'autres moyens.

Certains Pôsqim prennent les propos du Ramba''m comme une permission de couper l'intégralité des Pé`ôth Horô`sh aux ciseaux et disent qu'on ne transgresse l'interdiction biblique que si on les coupe intégralement au rasoir. (Et ce sont les mêmes Pôsqim qui permettent de couper intégralement la barbe, à partir du moment où on le fait avec autre chose qu'un rasoir, ce qui est un argument fallacieux.) Mais comme nous l'avons vu, c'est une lecture erronée de cette Halokhoh du Mishnéh Tôroh ! (Il convient de noter que plusieurs autres Pôsqim, que ce soit les Tôsofôth ou encore le Ro`''sh ז״ל, interdisent catégoriquement de toucher aux Pé`ôth Horô`sh, que ce soit aux ciseaux ou au rasoir. Aucun des cheveux de cette zone-là ne doit être coupé, même s'il y a déjà au moins quarante cheveux à cet endroit, d'après eux.)

Nous voyons donc qu'il est aisément possible de contrer les arguments de ceux qui utilisent cette Halokhoh du Ramba''m pour se débarrasser des Pé`ôth Horô`sh ! En outre, dans l'une de ses responsas le Ramba''m écrit que la zone qu'il est interdit de couper équivaut approximativement à la longueur d'un pouce. De ce fait, il suffit de placer son pouce à la vertical sur le côté de sa tête, avec le sommet du pouce placé sur l'endroit où un arc se forme sur le côté de la tête, et voir jusqu'où le pouce descend. On tombe généralement pile poil sur le niveau de la mandibule, voire légèrement en-dessous ! Tous les cheveux qui vont plus bas que cette mesure peuvent être coupés.

Dans une autre de ses responsas, le Ramba''m atteste qu'il taillait ses Pé`ôth Horô`sh. Il explique qu'il n'y a aucune Miswoh Positive de la Tôroh de les laisser pousser longues et que cela n'est pas nécessaire. Voilà pourquoi le Ramba''m n'avait pas de longues Pé`ôth Horô`sh ! Mais rien dans les propos du Ramba''m n'invite à ne pas avoir de Pé`ôth Horô`sh, ce qui serait alors une transgression d'une Miswoh biblique ! Les seules choses que le Ramba''m a dites sont qu'il n'y a pas d'obligation de laisser pousser ses Pé`ôth Horô`sh en-dessous de la mandibule et qu'il faut laisser au moins quarante cheveux, le reste pouvant être coupé aux ciseaux. Par contre, retirer intégralement les Pé`ôth Horô`sh et se les raser (ou utiliser d'autres moyens ayant potentiellement le même résultat qu'un rasage) sont des actes interdits et punissables par la Halokhoh !

1Séfar Hammiswôth, Miswoh Lô` Tha'aséh 43
2Wayyiqro` 19:27
3Les Sages.
45a
5Comme le font les moines, les Maghrébins ou encore les Amishs, qui ont souvent ce qu'on appelle une « coupe au bol »

6Hilkôth ´avôdhoh Zoroh Wahouqqôth Haggôyim 12:6

mercredi 27 juillet 2016

L'ânesse de Bil´om : Perspective du Ramba''m

ב״ה

L'ânesse de Bil´om : Perspective du Ramba''m


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La Parashath Boloq contient l'un des récits les plus étranges de tout le TaNa''Kh : la « conversation » qui a eu lieu entre le voyant gôy Bil´om, qui est chargé de la mission de maudire les Bané Yisro`él, et son ânesse. Alors que Bil´om est en route de la Mésopotamie à Mô`ov pour délivrer ses malédictions, un ange, invisible à Bil´om, bloque son chemin, poussant son ânesse à se déporter sur le côté. Bil´om bat l'animal à plusieurs reprises, et après la troisième fois l'ânesse proteste contre la brutalité de son maître1 :

Alors `adhônoy ouvrit la bouche de l'ânesse, qui dit à Bil´om: "Que t'ai-je fait, pour que tu m'aies frappée ainsi à trois reprises?" Bil´om répondit à l'ânesse: "Parce que tu te joues de moi! Si je tenais une épée, certes, je te tuerais sur l'heure!" Et l'ânesse dit à Bil´om: "Ne suis-je pas ton ânesse, que tu as toujours montée jusqu'à ce jour? Avais-je accoutumé d'agir ainsi avec toi?" Et il répondit: "Non."
וַיִּפְתַּח יְהוָה, אֶת-פִּי הָאָתוֹן; וַתֹּאמֶר לְבִלְעָם, מֶה-עָשִׂיתִי לְךָ, כִּי הִכִּיתַנִי, זֶה שָׁלֹשׁ רְגָלִים. וַיֹּאמֶר בִּלְעָם לָאָתוֹן, כִּי הִתְעַלַּלְתְּ בִּי; לוּ יֶשׁ-חֶרֶב בְּיָדִי, כִּי עַתָּה הֲרַגְתִּיךְ. וַתֹּאמֶר הָאָתוֹן אֶל-בִּלְעָם, הֲלוֹא אָנֹכִי אֲתֹנְךָ אֲשֶׁר-רָכַבְתָּ עָלַי מֵעוֹדְךָ עַד-הַיּוֹם הַזֶּה--הַהַסְכֵּן הִסְכַּנְתִּי, לַעֲשׂוֹת לְךָ כֹּה; וַיֹּאמֶר, לֹא

Le Ramba''m ז״ל, dans son Môréh Navoukhim, déclare que ce « dialogue » ne s'est pas produit dans la réalité. Tout le récit concernant Bil´om et son ânesse se serait produit, d'après le Ramba''m, dans un rêve prophétique. Il avance cette théorie dans le cadre de sa discussion générale sur la prophétie, où il rejette catégoriquement la possibilité qu'il puisse exister une rencontre consciente avec des anges dans la vie réelle2 :

Nous avons déjà exposé que, partout où on a parlé de l'apparition d'un ange, ou d'une allocution faite par lui, il ne peut être question que d'une vision prophétique, ou d'un songe3, n'importe qu'on l'ait ou non déclaré expressément, comme cela a été dit précédemment. Il faut savoir cela et t'en bien pénétrer. Peu importe qu'on dise tout d'abord de quelqu'un qu'il a vu l'ange, ou qu'on semble dire qu'il le prenait d'abord pour un individu humain, et qu'à la fin il devient manifeste pour lui que c'était un ange4 ; dès que tu trouves dans le dénouement que celui qui a été vu et qui a parlé était un ange, tu sauras et tu seras certain que dès le commencement c'était une vision prophétique, ou un songe prophétique.

Par la suite, le Ramba''m applique ce principe à un certain nombre d'autres récits bibliques qui semblent, à première vue, parler de vrais événements plutôt que de visions prophétiques. Il interprète audacieusement l'histoire des trois visiteurs de `avrohom `ovinou5 ע״ה et le récit de la lutte de Ya´aqôv `ovinou ע״ה avec un assaillant mystérieux6 comme se référant tous les deux à des visions prophétiques expérimentées par les Patriarches. Il traite ensuite brièvement de l'épisode de Bil´om, en disant :

De même, tout ce qui se passa avec Bil´om sur le chemin7, ainsi que le discours de l'ânesse, [tout cela, dis-je,] eut lieu dans une vision prophétique8, puisqu'on dit expressément à la fin9 que l'ange de HaShem lui parla.10

Le « dialogue » entre Bil´om et son ânesse atteint son apogée par la vision d'un ange qui réprimande Bil´om pour avoir maltraité sa monture.11 Ainsi, à la lumière de sa théorie selon laquelle l'implication d'un ange à la fin d'un récit révèle la nature prophétique de l'entièreté d'un épisode, le Ramba''m conclut que ce récit décrit une vision et non un événement qui se serait réellement produit.

La position énoncée ici par le Ramba''m découle naturellement de celle qu'il défend au sujet de la nature de ce que le TaNa''Kh et HaZa''l appellent מַלְאָכִים « Mal`okhim – anges ». Un peu plus tôt dans le deuxième volume de son Môréh Navoukhim12, le Ramba''m identifie les « anges » à ceux qu'Aristote appellent des « intelligences », qui sont des « intermédiaires entre la Cause Première et les choses en existence », et que « c'est par leur intermédiaire que sont mues les sphères, ce qui est la cause de la naissance de tout ce qui naît ». Le Ramba''m accepte cette définition et affirme que ce sont à ces « être intermédiaires » que se réfèrent l’Écriture et la littérature rabbinique lorsqu'ils parlent de « Mal`okhim ». Il en arrive à cette conclusion sur la base de l'étymologie du mot מַלְאָךְ « Mal`okh », qui signifie tout simplement « messager ». « Mal`okh » se réfère donc à « quiconque s'est vu confier une mission », ce qui, comme le Ramba''m, l'explique, inclut même les éléments de la nature, les mouvements des animaux et les facultés des êtres humains. Tout moyen par lequel HaShem ית׳ gouverne les événements du monde peut être appelé « ange ». Parmi les preuves plus que convaincantes qu'il cite nous retrouvons un passage tiré du Midhrosh Baré`shith Rabboh qui raconte qu' « un ange du désir » s'est emparé de Yahoudhoh ע״ה lorsqu'il passa devant Tomor ע״ה, qui était déguisée en prostituée. À l'évidence, le Midhrosh emploie le terme « ange » pour se référer à une émotion, une force abstraite causée par HaShem à travers laquelle des événements historiques ont pu se produire de la façon désirée par HaShem. Il vaut la peine de rapporter les propres mots du Ramba''m :

Tu sais que le mot « Mal`okh » (ange) signifie « messager » ; quiconque donc exécute une mission est un Mal`okh, de sorte que les mouvements de l'animal même irraisonnable s'accomplissent, selon le texte de l’Écriture, par l'intermédiaire d'un Mal`okh, quand ce mouvement est conforme au but qu'avait Dieu, qui a mis dans l'animal une force par laquelle Il accomplit ce mouvement. On lit, par exemple13 : אֱלָהִי שְׁלַח מַלְאֲכֵהּ, וּסְגַר פֻּם אַרְיָוָתָא--וְלָא חַבְּלוּנִי « Mon Dieu a envoyé Son ange (Mal`akhéh) et a fermé la gueule des lions, qui ne m'ont fait aucun mal » ; et de même tous les mouvements de l'ânesse de Bil´om se firent par l'intermédiaire d'un Mal`okh. Les éléments mêmes sont nommés « Mal`okhim » (anges ou messagers) ; par exemple14 : עֹשֶׂה מַלְאָכָיו רוּחוֹת; מְשָׁרְתָיו, אֵשׁ לֹהֵט « Il fait des vents Ses messagers (Mal`okhow) et du feu flamboyant Ses serviteurs ». Il est donc clair que le mot « Mal`okh » s'applique : premièrement au messager d'entre les hommes, par exemple15 : וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו « Et Ya´aqôv envoya des messagers (Mal`okhim) devant lui » ; deuxièmement au prophète, par exemple : יַּעַל מַלְאַךְ-יהוה מִן-הַגִּלְגָּל, אֶל-הַבֹּכִים « Et un messager (Mal`akh) de `adhônoy monta de Gilgol à Bôkhim »16 ; וַיִּשְׁלַח מַלְאָךְ, וַיֹּצִאֵנוּ מִמִּצְרָיִם « Il envoya un messager (Mal`okh) et nous fit sortir d’Égypte »17 ; troisièmement aux intelligences séparées qui se révèlent aux prophètes dans la vision prophétique ; enfin quatrièmement aux facultés animales...

Ainsi, le Ramba''m interprète le terme « Mal`okh » comme se référant à une force intangible et abstraite plutôt qu'à un être réel et visible. C'est donc tout naturellement qu'il rejette catégoriquement la possibilité d'une rencontre avec un ange dans la vie réelle. Par conséquent, il insista sur le fait que chaque fois que nous lisons dans le TaNa''Kh un récit sur quelqu'un qui se serait adressé à un ange ou en aurait contemplé un, le récit ne peut se référer à une vraie expérience mais plutôt à un rêve ou une vision prophétique.

La position du Ramba''m nous permet de résoudre sans aucun problème un certain nombre de difficultés auxquelles nous sommes confrontés en lisant l'histoire de Bil´om et son ânesse. L'une de ces difficultés est l'absence soudaine des émissaires Moabites qui étaient allés ramener Bil´om vers leur pays afin de maudire les Bané Yisro`él. Le verset qui précède le récit de l'ânesse nous informe que Bil´om était parti avec ces émissaires18, et pourtant il n'est fait aucune mention de leur réaction ou réponse lorsqu'ils ont vu et entendu l'ânesse parler. En outre, lorsque la Tôroh présente le récit de l'ânesse, elle insiste sur le fait que Bil´om voyageait en compagnie de שְׁנֵי נְעָרָיו « ses deux serviteurs »19, indiquant par-là l'absence des émissaires Moabites, alors que le verset qui précède celui-ci déclare explicitement que les émissaires Moabites accompagnèrent Bil´om. Ces deux difficultés se résolvent aisément lorsqu'on comprend que l'épisode de l'ânesse qui parlait s'est déroulé dans la tête de Bil´om et non en vrai ! Bil´om partit dans la vraie vie avec les émissaires Moabites mais fit un rêve prophétique durant la nuit dans lequel il n'était plus qu'en compagnie de ses deux serviteurs lorsque l'ânesse se mit à parler.

Plus important encore, l'approche du Ramba''m résout une difficulté à laquelle aucun commentateur ne parvient à apporter des réponses concluantes. Juste avant que Bil´om ne prenne la route pour Mô`ov, il avait demandé aux émissaires Moabites de passer la nuit chez lui, temps durant lequel HaShem lui apparaîtrait dans un rêve prophétique pour lui dire s'il avait ou pas la permission d'aller maudire les Bané Yisro`él. Effectivement HaShem lui apparut et lui en donna la permission, allant en fait jusqu'à lui en donner l'ordre : קוּם לֵךְ אִתָּם « Lève-toi ; va avec eux ! ».20 Et pourtant, à peine deux versets plus loin, nous lisons que lorsque Bil´om se mit en route, וַיִּחַר-אַף אֱלֹהִים, כִּי-הוֹלֵךְ הוּא, וַיִּתְיַצֵּב מַלְאַךְ יהוה בַּדֶּרֶךְ, לְשָׂטָן לוֹ « Dieu S'irrita de ce qu'il partait ; un ange de `adhônoy se mit sur son chemin pour s'opposer à lui ».21 Pourquoi le voyage de Bil´om a-t-il irrité HaShem s'Il l'avait explicitement approuvé ? Rash''i ז״ל tente de résoudre cette incohérence en nous disant qu'étant donné que Dieu avait désapprouvé ce projet la toute première fois que la délégation moabite était venue lui demander ses services22, Bil´om aurait dû de lui-même refuser l'offre, même après avoir reçu une autorisation Divine lors de la seconde requête. Le Rashba''m ז״ל, pour sa part, explique que Bil´om s'est embarqué dans cette mission avec un désir ardent de maudire coûte que coûte les Bané Yisro`él, et c'est cette attitude qui causa le courroux de HaShem. Dans le même ordre d'idée, le Rov Sa´adhyoh Go`ôn ז״ל écrit que HaShem était en colère par l'avidité financière qui animait la résolution de Bil´om.

Mais si l'on s'appuie sur la théorie du Ramba''m, il devient possible d'offrir une réponse de loin plus simple que toutes celles qui ont été proposées. Le récit du rêve prophétique de Bil´om dans lequel HaShem approuve sa mission23 devrait se lire, d'après le Ramba''m, comme étant le résumé général du rêve de Bil´om, dont les détails sont présentés dans les versets qui suivent. La Tôroh résume brièvement cette prophétie en racontant que Bil´om reçut la permission de Dieu de se rendre à Mô`ov. Par la suite, la Tôroh décrit la vision par davantage de détails, décrivant l'image que Bil´om contempla de l'ange qui tentait d'obstruer sa route, sa conversation avec l'ange, et la permission finalement accordée par l'ange de poursuivre le voyage. HaShem montre vivement ici Son mécontentement à Bil´om, tout en lui permettant néanmoins de poursuivre sa mission à la condition d'obéir strictement aux instructions qu'Il lui donnera. Ainsi, la vision de l'ange et le dialogue avec l'ânesse constituent les détails du rêve qui est précédemment rapporté de façon brève. Cette lecture résout soigneusement cette incohérence qui troubla les exégètes classiques.

Cette façon de lire cet épisode rappelle inévitablement l'interprétation donnée par le Ramba''m d'un épisode qu'il considère n'être rien d'autre qu'une vision prophétique : la fameuse histoire des trois invités mystérieux qui rendirent visite à `avrohom `ovinou et lui prédirent la naissance prochaine de son fils. Ce récit commence de la façon suivante24 : וַיֵּרָא אֵלָיו יהוה, בְּאֵלֹנֵי מַמְרֵא; וְהוּא יֹשֵׁב פֶּתַח-הָאֹהֶל, כְּחֹם הַיּוֹם « `adhônoy lui apparut à `élôné Mamré`, alors qu'il était assis à l'entrée de la tente durant la chaleur du jour ». Sur la base d'une opinion rapportée dans le Midhrosh, le Ramba''m comprend ce verset comme étant un bref résumé de l'entièreté du récit qui suit. Le récit concernant l'arrivée des anges fournit simplement les détails de cette révélation Divine qui fut accordée à `avrohom `ovinou. HaShem lui apparut donc sous la forme d'une vision prophétique dans laquelle le Patriarche contempla trois anges se présentant devant sa tente et se leva pour les saluer et leur servir un repas. De même, dans la Parashath Boloq, le Ramba''m interpréta le récit de l'ânesse comme un développement du rêve rapporté juste avant ce récit. HaShem exprima à Bil´om Son consentement réticent en lui montrant cette vision prophétique de l'ange invisible et de l'ânesse dotée de la parole.

Enfin, la théorie du Ramba''m élimine une énigme plus évidente encore dans cet épisode : l'impassibilité inexplicable de Bil´om tandis que son animal parlait. La Tôroh ne donne aucune indication d'un quelconque étonnement de la part de Bil´om lorsqu'il entendit soudainement son ânesse parler. Bien au contraire, il lui répond tout naturellement, quoique avec colère, en plaidant sa cause et en accusant l'animal de désobéissance. Comme l'a très bien fait remarquer le Shada''l ז״ל (Rov Shamou`él Dowidh Luzzatto, Italie, 1800-1865), si l'ânesse avait réellement parlé, Bil´om aurait été saisi d'un choc et d'horreur, au point même de presque en mourir. Le fait que Bil´om réponde à son ânesse sans exprimer la moindre surprise face au phénomène d'un animal qui parle doit nous amener à croire que l'ânesse ne lui a pas réellement parlé. Ne désirant néanmoins pas reléguer tout cet épisode dans la catégorie d'une prophétie, le Shada''l tente de résoudre cette énigme en suggérant que bien que l'ânesse n'ait pas réellement parlé, elle a émis des braiments permettant de comprendre sa frustration. Mais évidemment, pour le Ramba''m il n'y a jamais eu la moindre difficulté concernant l'absence de surprise de la part de Bil´om, puisque tout cet épisode ne s'est jamasi réellement produit et n'était qu'un rêve !

1Bamidhbor 22:28-30
2Môréh Navoukhim, Volume 2, Chapitre 42
3C'est-à-dire, d'un état où la faculté imaginative prend le dessus sur la perception des sens
4Comme, par exemple, les trois hommes que vit `avrohom `ovinou ע״ה (Baré`shith 18:2), et l'homme que vit Yahôshoua´ bin Noun ע״ה (Yahôshoua´ 5:13)
5Baré`shith Chapitre 18
6Ibid., 32:24-32
7Bamidhbor Chapitre 22, à partir du verset 22
8Il faut rappeler ici que, d'après HaZa''l, le don de prophétie était accordé aussi à certains sages gôyim, qui avaient pour mission de prédire la destinée du peuple d'Israël. Voir ce qui est dit concernant Bil´om dans le Midhrosh Wayyiqro` Rabboh 147:1 et le Midhrosh Shir Hashirim Rabboh 9:4
9Bamidhbor 22:32
10Ce qui, comme le dit le Ramba''m au commencement de ce chapitre, indique un songe, ou une vision prophétique
11Ibid., versets 31 à 35
12Chapitre 6
13Doniyé`l 6:23
14Tahillim 104:4
15Baré`shith 32:3
16Shôphtim 2:1 ; le Sédhar ´ôlom nous informe que le « Mal`okh » dont on parle ici est Pinhos
17Bamidhbor 20:16 ; le « Mal`okh » dont on parle ici est évidemment Môshah Rabbénou ע״ה
18Ibid., 22:21
19Ibid., verset 22
20Ibid., verset 20
21Ibid., verset 22
22Ibid., verset 12
23Ibid., verset 20
24Baré`shith 18:1
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